Pièce d’un demi-dollar américain portant la contremarque d’un commerçant de Montréal, L. C. Barbeau
Comme la monnaie circule au quotidien de main en main, elle offre la possibilité de s’adresser directement à la population, sous forme non seulement de messages d’importance nationale, mais aussi de témoignages personnels. Les Canadiens ont parfois utilisé l’argent comme objet de protestation politique et instrument de critique sociale, voire comme aide-mémoire bien pratique pour noter des pensées fugaces. Les autorités désapprouvent ces usages détournés, car elles doivent remplacer la monnaie ainsi maltraitée, ce qui entraîne une hausse des coûts de fabrication.
Tout récemment, la Collection nationale de monnaie a fait l’acquisition d’un exemplaire rare d’une pièce contremarquée, véritable miroir de la situation monétaire de Montréal à la veille de la Confédération. Il s’agit d’un demi-dollar américain de 1853, la pièce à la plus grande valeur nominale sur laquelle est apposé le nom de L. C. Barbeau, et le seul exemplaire connu.
L. C. Barbeau possédait une boutique de mercerie à Montréal. D’après les registres de l’époque, il tenait commerce rue Saint-Paul entre environ 1852 et 1859, année après laquelle son nom disparaît des archives de la ville. Durant cette période, il faisait ajouter son nom et sa profession sur des pièces et jetons pour faire connaître ses activités, une pratique appelée « contremarque ». Chose surprenante, il s’annonçait comme courtier, et non comme mercier.
Les pièces et jetons portant la contremarque de Barbeau illustrent la diversité de la monnaie en circulation à Montréal dans les années 1850. Parmi les pièces connues, citons les six-pence anglais à l’effigie de George III et de Guillaume IV, un jeton d’un demi-penny de la Banque de Montréal (1844), un « jeton des temps durs » provenant des États-Unis (fin des années 1830), des pièces canadiennes d’un cent (1859) et deux pièces d’argent américaines, l’une d’un quart de dollar et l’autre d’un demi-dollar (époque contemporaine). Les deux dernières pièces révèlent la circulation prédominante de la monnaie américaine à l’époque, une situation qui a pris des proportions gigantesques vers la fin des années 1860 à la suite des achats effectués par les Américains au Canada pendant la guerre de Sécession.
Barbeau n’était pas le seul à contremarquer des pièces et des jetons. D’autres commerces canadiens au XIXe siècle utilisaient des méthodes similaires. Exemples d’entreprises montréalaises réputées pour la mise en circulation de pièces contremarquées : Findlay & McWilliams (confiseurs), T. Costen (armurier), Paquette & Cie (fabricant) et Devins & Bolton (pharmaciens). Adeptes les plus farouches de cette pratique, Devins & Bolton ont mis en circulation, dans les années 1860, de nombreuses pièces leur servant de supports publicitaires. Plus de 149 types différents de pièces et jetons portent leur contremarque.
Ce genre de « publicité sauvage » existe encore aujourd’hui, mais il est surtout en vogue chez les partisans du changement social. Souvenons-nous de la controverse entourant le projet d’oléoduc destiné à transporter du pétrole brut vers la côte du Pacifique. En 2009, des citoyens préoccupés par le transport d’hydrocarbures par navire et par pipeline ont apposé des autocollants noirs sur les pièces d’un dollar pour représenter un huard prisonnier d’une nappe de pétrole.
À partir de la fin des années 1990, des particuliers qui désiraient en savoir plus sur la circulation de la monnaie ont mis en place des sites Web permettant de suivre le circuit emprunté par des billets. Certains comportaient ainsi des instructions imprimées en surcharge pour inviter le porteur à enregistrer en ligne l’endroit où ils avaient été utilisés.
Il existe de très bonnes raisons de ne pas altérer ou mutiler les billets de banque, bien que cette pratique ne soit pas à proprement parler illégale. Altérer un billet de banque peut nuire à la vérification de ses éléments de sécurité, réduire sa durée de vie ou même le rendre inacceptable lors d’une transaction. La Banque du Canada considère en outre qu’il est inapproprié d’écrire sur les billets ou de les mutiler, car notre monnaie est un symbole national et une source de fierté pour tous les Canadiens et Canadiennes.
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