Cinq femmes méritantes, un choix difficile
Le 24 novembre 2016, les finalistes ont été annoncées dans un communiqué de la Banque du Canada.
Qui mérite d’être immortalisé sur un billet de la Banque du Canada? Depuis le début, nos billets ont été à l’effigie d’anciens premiers ministres ou de membres de la famille royale. C’était la tradition, une sorte d’option par défaut. Peu importe le choix de la personne, il était peu probable que ce soit une femme, et, si c’était le cas, certainement pas une femme issue du peuple. Mais les temps changent.
La reine Elizabeth, au centre, accompagnée des deux seules autres femmes ayant figuré sur un billet de la Banque du Canada, sa grand-mère, la reine Marie, et sa tante, la princesse Marie.
De nos jours, les banques centrales de partout dans le monde choisissent d’autres personnes que de simples chefs d’État ou monarques pour illustrer leurs billets. Elles optent désormais pour des artistes, des acteurs humanitaires, des réformateurs sociaux, des athlètes et d’autres individus dont les réalisations sont une inspiration pour leurs concitoyens. Évidemment, bon nombre de ces personnes hors du commun sont des femmes. En mars 2016, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé une démarche visant à trouver la première femme, en dehors de la famille royale, appelée à orner un billet de la Banque du Canada.
Il n’est pas inutile à ce stade-ci de faire un retour sur ce processus de recherche. Au printemps dernier, plus de 26 000 personnes ont pris part à la consultation publique Une Canadienne sur un BILLET destinée à trouver la femme qui figurerait sur notre monnaie. Cette riche participation a permis de réunir 461 candidatures admissibles uniques. Un comité consultatif indépendant a été formé pour réduire la liste à douze candidates, puis, après un sondage d’opinion publique et d’autres consultations auprès d’historiens, la liste a été à nouveau réduite à cinq finalistes. Ces cinq candidatures ont à nouveau fait l’objet de recherches et ont été testées dans le cadre de groupes de discussion. Enfin, la liste restreinte a été confiée au gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, afin qu’il en discute avec le ministre des Finances, Bill Morneau, en vue du dernier choix.
Vous savez fort probablement déjà que la liste restreinte des cinq finalistes a été rendue publique le 24 novembre et que l’une d’entre elles a à présent été choisie à titre de Canadienne emblématique qui figurera sur un de nos billets de banque. Mais avant que je parle d’elle, permettez-moi de vous rappeler, dans un ordre tout à fait arbitraire, qui sont les cinq femmes qui avaient été sélectionnées parmi les 461 candidates admissibles proposées par les Canadiens.

Elsie MacGill (1905-1980) : première femme au Canada à exercer la profession d’ingénieur et première femme au monde à occuper les fonctions d’ingénieur en aéronautique.
Photo : Bibliothèque et Archives Canada

Idola Saint-Jean (1880-1945) : militante politique et sociale ayant joué un rôle central dans l’obtention du droit de vote des femmes au Québec en 1940.
Photo : Bibliothèque et Archives Canada

E. Pauline Johnson (Tekahionwake) (1861-1913) : poète de racines anglaises et mohawks dont les œuvres rappellent aux Canadiens le rôle essentiel joué par les Autochtones dans le développement de notre pays.
Photo : Bibliothèque et Archives Canada

Viola Desmond (1914-1965) : icône des droits civils à l’origine de la première contestation judiciaire connue soulevée par une femme noire au Canada pour cause de ségrégation raciale.
Photo : Communications Nouvelle-Écosse

Fanny Rosenfeld (1904-1969) : médaillée d’or et d’argent aux Jeux olympiques de 1928 et nommée athlète féminine canadienne du demi-siècle.
Photo : Panthéon des sports canadiens
Toutes ces femmes, et même, d’ailleurs, toutes les femmes réunies sur la longue liste des douze finalistes préliminaires, méritaient amplement d’être représentées sur un billet. Il fallait cependant en choisir une seule. À l’occasion d’une cérémonie qui a eu lieu le 8 décembre dernier à la Grande Galerie du Musée canadien de l’histoire, le ministre des Finances, Bill Morneau, accompagné du gouverneur Poloz et de la ministre de la Condition féminine, Patricia Hajdu, ont annoncé que le portrait de Viola Desmond ornera un nouveau billet de 10 $, dont l’émission est prévue à la fin de 2018. Mme Desmond est l’exemple parfait d’une Canadienne qui a su surmonter des obstacles, représente une source d’inspiration, a provoqué des changements positifs au sein de la société et, ce faisant, a marqué l’histoire du pays. Je ne répèterai pas l’histoire de Mme Desmond ici, mais pour la connaître davantage, veuillez consulter le site Web de la Banque.
La journée s’est amorcée tôt par une séance de questions réunissant des ministres du Cabinet et des députés fédéraux ainsi que des élèves de l’école publique Roberta Bondar d’Ottawa. Les élèves ont posé des questions étonnamment directes auxquelles les parlementaires ont dû répondre à brûle-pourpoint. Après un échange d’une trentaine de minutes, le modérateur, François-Phillipe Champagne, secrétaire parlementaire du ministre des Finances, a clos cette partie du programme. Après le léger chaos qui a suivi pour replacer les caméras et diriger les parlementaires vers leur place, la cérémonie officielle a débuté.
(La cérémonie complète peut être visionnée sur YouTube.)
Le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, s’est adressé à l’auditoire en premier. Il a décrit le processus de consultation qui a mené avec succès à la sélection de la Canadienne emblématique qui figurera sur un BILLET. Le ministre Morneau a ensuite pris la parole, rappelant lui aussi l’importance historique de l’événement pour le Canada. Il a ensuite présenté l’invitée spéciale du jour. Arrivant de derrière une des maisons haïdas de la Grande Galerie et accompagnée de quelques employés attentionnés du département des Communications de la Banque est apparue une élégante dame habillée d’une très chic veste argentée. Il s’agissait de Wanda Robson, une des sœurs de notre Canadienne emblématique qui figurera sur un BILLET. Le ministre Morneau a fait une courte allocution, puis, avec le gouverneur Poloz et la ministre Hajdu, il a dévoilé le portrait. Soudain, elle était là : Viola Desmond! Le murmure de surprise a vite laissé la place au cliquetis des caméras puis à une longue salve d’applaudissements.
La ministre de la Condition féminine Patricia Hajdu présente Mme Wanda Robson avec enthousiasme.
Wanda Robson est elle-même une femme remarquable, puisque c’est elle qui a fait connaître l’histoire de sa sœur en publiant le livre Sister to Courage. Les efforts de Mme Robson pour faire connaître au public l’histoire de sa sœur ont permis que soit accordé à celle-ci un pardon absolu en 2010. Elle est donc une actrice de premier plan dans l’histoire de Mme Desmond. Cependant, je crois qu’aucun d’entre nous ne savait à quoi s’attendre de ce petit bout de femme en veste argentée. Il a peut-être fallu quelques mains serviables pour l’aider à traverser la scène et à prendre place dans son fauteuil, mais dès que Wanda Robson a pris la parole, il est devenu évident que nous étions en présence d’une femme en pleine possession de ses moyens. En fait, nous avons été très privilégiés que ce soit Mme Robson qui s’adresse à nous, puisqu’elle est une communicatrice naturelle et une conteuse née. Elle a presque immédiatement charmé toute l’assistance en racontant ses souvenirs personnels de Viola, mais c’est lorsqu’elle s’est éloignée de son discours préparé qu’elle a été le plus captivante. Elle était de toute évidence extrêmement fière que le portrait de sa sœur figure sur un billet, et même votre humble auteur a eu la larme à l’œil quand elle a exprimé sa joie. « J’aimerais rester plus longtemps, mais j’ai des instructions à respecter », a-t-elle dit avant de conclure avec des remerciements aux membres de sa famille, dont plusieurs étaient présents. Pendant qu’elle était raccompagnée pour quitter la scène, un attroupement de personnes brandissant caméras, téléphones et tablettes s’est formé pour obtenir des photos de Mme Robson avec les membres de sa famille et les différents dignitaires. Viola Desmond était peut-être le sujet de l’événement, mais sa sœur cadette lui a ravi la vedette.
Mme Robson est une conteuse née et parle régulièrement de sa sœur.
Je ne crois pas que quiconque pourrait contester le choix de Viola Desmond. Elle représente l’esprit de l’activisme qui est, comme la ministre Hajdu l’a déclaré, la force qui permet à la société de progresser lorsqu’elle est confrontée à des enjeux difficiles. De ce point de vue, Mme Desmond est un excellent choix, un choix qui rappelle des facettes moins reluisantes de notre histoire tout en célébrant notre capacité à surmonter ces difficultés.
Mme Robson, accompagnée de membres de sa famille, de membres du comité consultatif et de dignitaires. À l’extrémité gauche, Merna Forster, le moteur de la campagne publique pour qu’une femme figure sur un billet de banque.
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