En 1896, trois audacieux prospecteurs découvrent de l’or dans la région du Klondike, au Yukon. Leur histoire, une parmi tant d’autres, témoigne de l’attrait de ce métal précieux à toutes les époques. Bien d’autres remarquables pièces d’or conservées dans la Collection nationale de monnaies ont une histoire à raconter.
Une ruée vers l’or canadienne
À la mi-août 1896, l’Américain George Carmack et deux membres de la Première Nation Tagish – Keish (Skookum Jim Mason) et Káa Goox (Dawson Charlie) – découvrent de l’or à Rabbit Creek, un petit affluent de la rivière Klondike, au Yukon, plus tard renommé ruisseau Bonanza. Au cours des années qui suivent, des chercheurs d’or se ruent dans la région dans l’espoir de faire fortune. Même si elle n’a pas duré très longtemps, la ruée vers l’or du Klondike a fait sensation dans les médias, attirant l’attention partout en Amérique du Nord, et pas seulement celle des prospecteurs. Elle a laissé une marque dans la psyché canadienne et américaine, et a inspiré auteurs, cinéastes et musiciens.
L’attrait de l’or
L’engouement pour l’or n’avait toutefois rien de nouveau. Ce métal précieux a été très prisé par différentes cultures tout au long de l’histoire humaine. Il occupe une place importante dans de nombreux mythes et textes sacrés, ainsi que dans l’art et la culture populaire. Ses qualités mythiques sont grandement liées à ses propriétés physiques : l’or résiste à la corrosion et est très malléable, et son lustre inaltérable fascine le regard. Il est également rare, ce qui en fait un matériau idéal pour en faire de la monnaie.
Pièces anciennes
La plupart des historiens s’accordent pour dire que les premières pièces de monnaie ont été frappées dans le royaume de Lydie (actuelle Turquie) vers le 7e siècle av. J.-C. Elles sont faites d’électrum, un alliage naturel d’or et d’argent. Plus tard, durant le règne du roi Crésus (de 560 à environ 546 av. J.-C.), les Lydiens découvrent comment séparer les métaux de manière à frapper des pièces d’or pur et d’argent pur. Une pièce d’or vaut alors dix pièces d’argent.
En plus de simplifier le commerce, les pièces deviennent une bonne façon pour les dirigeants de l’Antiquité d’exhiber leur pouvoir et leur influence. Les souverains font frapper leur portrait, autrement dit leur effigie, sur les pièces en circulation dans leurs royaumes. Les pièces permettent aussi de rendre hommage à des personnes importantes. Par exemple, en l’an 140 de notre ère, l’impératrice romaine Faustine l’Ancienne, personnage aimé et respecté, décède. En son honneur son époux, l’empereur Antonin le Pieux, demande au sénat de la déifier et fait émettre des pièces à son effigie.
Pièces médiévales
Les pièces d’or ont créé un moyen d’échange commun largement accepté dans les différentes parties du monde médiéval. Sur la côte méditerranéenne, le commerce entre les cités-États de l’actuelle Italie et les royaumes islamiques de l’Afrique du Nord, comme celui des Hafsides (actuelle Tunisie), assure un échange constant de biens et d’or d’un côté à l’autre de la mer. Les réserves d’or accumulées à Florence en paiement de ses exportations permettent à la cité de devenir un axe bancaire et de frapper sa propre pièce d’or : le florin. Cette monnaie sera émise de 1252 à 1533. À ce moment-là, le ducat d’or vénitien (créé sur le modèle du florin) avait remplacé le florin comme monnaie de choix pour le commerce en Europe. Le ducat restera en circulation pendant encore 200 ans.
L’or à l’ère des explorateurs
Du 15e au 17e siècle, l’utilisation généralisée de l’or en tant que monnaie fait de ce métal une ressource que les nations doivent impérativement se procurer. Cependant, elles ne le font pas toujours au moyen d’échanges et ont parfois recours à la force pour mettre la main sur cette richesse.
Lorsque Christophe Colomb navigue à l’ouest de l’Espagne en 1492, il compte se rendre au Japon pour y trouver l’or décrit par Marco Polo dans son Livre des merveilles. Il se retrouve plutôt dans les Caraïbes, une région dont le sol regorge de ressources minérales. L’attrait de l’or entraînera aussi Hernán Cortés et d’autres conquistadors vers l’Amérique latine tout au long du 16e siècle.
La cupidité des conquistadors causera en fin de compte l’anéantissement des populations indigènes, ce que les historiens décrivent comme le premier génocide à grande échelle de l’ère moderne. Une grande partie de l’or pillé est sous la forme d’objets élaborés ayant une signification culturelle, mais les conquistadors ne sont intéressés que par le matériau de base. Ils fondent donc l’or pour en faire des lingots pouvant être plus facilement envoyés en Espagne pour faire des pièces de monnaie ou payer d’autres États.
Bientôt, les Espagnols établissent des mines d’or et d’argent, où des esclaves noirs et indigènes extraient les précieux métaux du sol. Au même moment, ils ouvrent des Hôtels de la Monnaie pour transformer sur place les métaux en pièces de monnaie. Les tonnes d’or et d’argent qui entrent alors en Espagne accroissent l’offre de monnaie partout en Europe, ce qui cause une inflation généralisée.
L’or de l’Afrique de l’Ouest
Les Portugais assurent une présence commerciale sur la côte de l’actuel Ghana, une région riche en or, vers les années 1460. Autour de 1650, la concurrence néerlandaise, française et britannique s’est intensifiée, et les Britanniques contrôlent bientôt le commerce dans la région. L’Angleterre fonde la Compagnie royale d’Afrique en 1672 dans le but premier d’importer de l’or de l’Afrique de l’Ouest. L’entreprise laissera littéralement sa marque sur l’histoire économique et monétaire britannique; on trouve en effet son logo sur certaines des guinées d’or frappées en Angleterre à l’époque. Elle participe aussi à la traite des esclaves. Au début des années 1720, ses bateaux avaient fait traverser l’Atlantique à environ 150 000 hommes, femmes et enfants contre leur gré – un horrible héritage pour la côte ouest-africaine.
Nouveaux usages et nouvelles sources
L’or a eu un profond impact sur les civilisations tout au long de l’histoire. En plus d’avoir joué un rôle économique indéniable, il est au cœur de pratiques culturelles et de mythes. Son utilisation est aussi intimement liée au passé colonial ainsi qu’à l’exploitation de l’homme et de l’environnement. Même si notre monnaie n’est plus faite de ce métal précieux, l’or reste une importante ressource ayant des usages variés allant des couronnes dentaires aux puces informatiques.
Cependant, à notre époque, l’or ne vient pas toujours des mines ou des rivières; il peut être tiré de vieux appareils électroniques recyclés. Les fils et les puces informatiques qui se trouvent à l’intérieur de ces appareils contiennent de nombreux métaux précieux qui finiraient autrement aux ordures. On continuera vraisemblablement à découvrir de nouveaux moyens de se procurer et d’utiliser ce métal important, à mesure que l’incidence de son extraction sur les changements climatiques s’intensifiera au cours des décennies à venir.
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