Les dollars et les cents que nous utilisons tous les jours n’auraient pas de valeur sans notre confiance. Qu’il agisse d’or ou de bits sur un disque dur, une monnaie viable repose sur la confiance du public.
La confiance entre dans l’alliage de tous les types de monnaies. »
Yuval Noah Harari, 𝘚𝘢𝘱𝘪𝘦𝘯𝘴
Des métaux de confiance
Durant l’Antiquité, la confiance que l’on accordait aux pièces de monnaie dépendait du type de métal utilisé dans leur fabrication, de sa qualité, et de l’uniformité du poids de chacune des pièces. La forme familière des pièces et leurs illustrations bien connues contribuaient aussi au sentiment de confiance.
La monnaie frappée sous le règne d’Alexandre le Grand (356-323 avant notre ère), roi de Macédoine a continué d’être acceptée longtemps après sa mort. Elle était utilisée par les commerçants depuis la Thrace, au nord d’Istanbul, jusqu’à Alexandrie, en Égypte, et au-delà. Certains des souverains qui ont succédé à Alexandre le Grand à la tête de son empire vont d’ailleurs garder le portrait du conquérant sur leurs propres pièces de monnaie, profitant ainsi du fait que les pièces remontant à l’époque d’Alexandre le Grand étaient bien connues de la population. Ces pièces correspondaient aux attentes de l’époque : elles avaient un certain poids et étaient composées d’un bon métal. C’est simple, elles étaient monnaie courante.
Une confiance transmise au fil du temps
Bien que de nombreuses formes de monnaie et de pratiques commerciales aient coexisté, il se dégage une évolution d’ensemble qui fait le lien entre les monnaies anciennes et celles que nous utilisons aujourd’hui. Cette transformation a été très progressive. En Europe médiévale, le sentiment de confiance à l’égard d’une monnaie dépend encore largement de la valeur intrinsèque de son métal. Ainsi, si vous aviez offert à un commerçant anglais du 16e siècle de le payer avec du papier-monnaie, il aurait probablement pensé que vous étiez fou. Les premières formes de papier-monnaie fonctionnelles ne sont apparues en Angleterre qu’au 17e siècle. Il s’agissait essentiellement de reçus attestant une créance sur une quantité d’or entreposée chez un orfèvre. La confiance accordée à cette nouvelle monnaie en papier provenait à la fois de l’autorité qui la mettait en circulation et du métal qu’elle symbolisait. L’adoption du papier-monnaie exigeait toutefois un acte de foi énorme pour des gens qui avaient l’habitude d’utiliser des pièces de monnaie.
Le papier-monnaie, un saut dans l’inconnu
Certaines monnaies en papier représentaient officiellement des métaux précieux jusqu’au milieu du 20e siècle. Le papier-monnaie renvoyait alors à l’étalon-or, un système monétaire où chaque pays devait avoir une réserve d’or pour garantir sa monnaie. En théorie, les gens pouvaient échanger leur papier-monnaie contre des pièces d’or en tout temps; en réalité, peu de gens le faisaient. Ce qui était sûrement une bonne chose, car les banques et les États mettaient en circulation plus de papier-monnaie qu’ils n’avaient d’or dans leurs coffres. Par exemple, après 1913, la Réserve fédérale américaine n’était obligée de garder de l’or en réserve que pour garantir à peine 40 % de ses billets de banque. De toute façon, il n’y avait plus assez d’or disponible pour satisfaire aux besoins des économies en croissance. Le lien avec les réserves d’or nuisait à la croissance économique et constituait un problème particulièrement grave en temps de guerre.
Pour aider au financement de la guerre de Sécession (1861-1865), le gouvernement d’Abraham Lincoln songe à interrompre l’étalon-or et à imprimer du papier-monnaie non garanti par de l’or. Ce papier-monnaie « à cours légal » est mis en circulation en 1862. C’est un succès. Les Américains utilisaient déjà la monnaie en papier sous différentes formes depuis quelques générations et avaient développé un lien de confiance. Le fait que le papier-monnaie soit garanti ou non par de l’or n’était plus un critère important, du moment où cette monnaie était émise par une autorité respectée. La confiance que les gens avaient dans les réserves d’or s’est reportée sans peine vers l’autorité émettrice.
La monnaie à « cours légal » (aussi appelée « monnaie fiduciaire ») est utilisée par tout le monde aujourd’hui.
L’argent aujourd’hui : de simples chiffres qui reposent sur la confiance
Depuis la création des banques, l’épargne accumulée par les gens se résume à quelques chiffres inscrits dans un registre de comptes : ils confirment la part des avoirs de la banque qui revient aux épargnants. De nos jours, ces avoirs ne sont plus des métaux précieux ni même de l’argent comptant. À vrai dire, les banques ont toujours de l’argent comptant, mais celui-ci est simplement l’un des multiples moyens de paiement à leur disposition auxquels correspondent les nombres consignés dans leurs bases de données. En effet, l’argent comptant est devenu un service que les banques offrent aux gens qui n’utilisent pas de cartes de paiement ou ne font pas de virements électroniques.
Le papier-monnaie n’est pas le seul instrument de paiement à avoir évolué à petits pas. Le virement électronique également. Les premiers virements électroniques remontent aux années 1870. Il était alors possible de transférer de l’argent au moyen du système télégraphique de la Western Union. Quant aux cartes de crédit, elles existaient déjà depuis une génération avant l’arrivée des cartes de débit. Aujourd’hui, cette monnaie invisible, immatérielle, nous est familière, et nous lui faisons confiance. Mais surtout, nous avons confiance dans le système financier électronique.
Un aperçu du futur
En matière de monnaie immatérielle, la société Mondex a vraiment été visionnaire. En 1997, cette société a fait l’essai d’un système de transfert de monnaie numérique à Guelph, en Ontario, et à Sherbrooke, au Québec. À cette époque, les cartes de débit commençaient à peine à être acceptées. Mondex était donc largement en avance dans le domaine de la monnaie électronique.
Les utilisateurs devaient verser des fonds provenant de leur institution financière sur leur carte Mondex. Ils pouvaient ensuite transférer de l’argent à des boutiques, à des parcomètres, à des téléphones publics et même entre usagers. Cette monnaie existait sous forme numérique et uniquement sur une carte à puce.
Malheureusement, la plupart des gens ne se sont pas intéressés à Mondex. Il faut dire que les différents types de paiements numériques en étaient encore au stade des balbutiements à cette époque. La confiance dans ces technologies n’était donc pas très répandue, et les gens craignaient de perdre leur carte. Aujourd’hui, la confiance qu’inspire cette technologie s’est accrue. Nous semblons accepter plus volontiers plusieurs systèmes de paiement électronique, des monnaies numériques et même la cryptomonnaie.
Une technologie qui inspire confiance
La Banque du Canada et d’autres banques centrales du monde entier effectuent actuellement des recherches sur la monnaie numérique nationale. La Banque n’envisage pas d’émettre ce type de monnaie dans un avenir rapproché, mais elle veut être prête. La monnaie numérique de banque centrale (MNBC) serait une version numérique du dollar canadien; ce serait en quelque sorte un dollar numérique : elle maintiendrait une valeur stable, serait acceptée universellement et serait facilement transférable.
L’ère de la monnaie numérique approche peut-être plus vite qu’on ne le pense. Il ne manque qu’une dose de confiance.
Vous trouverez dans le site Web de la Banque du Canada davantage de ressources sur la monnaie électronique et les recherches menées autour de la MNBC.
Monnaie numérique de banque centrale (MNBC)
Plans de prévoyance concernant une monnaie numérique de banque centrale
S. Murchison, « La route vers la monnaie numérique », L’économie claire et simple, Banque du Canada.
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