Un signe manifeste de notre réouverture
Jusqu’en 2013, un imposant anneau de pierre côtoyait des plantes tropicales dans le jardin intérieur du siège de la Banque du Canada. Il ne s’agissait pas d’une sculpture, mais d’une pierre de Yap – gigantesque « pièce de monnaie » provenant de l’île de Yap, dans les États fédérés de Micronésie. Notre pierre a passé 38 ans à la Banque; une ancienneté qui n’est égalée que par une poignée d’employés. Douze en fait, à ma connaissance. Je faisais partie de l’équipe du Musée de la monnaie depuis à peine trois mois quand un camion-plateau, une énorme grue et une dizaine d’ouvriers affublés de casques et de gilets de sécurité sont venus l’arracher à son habitat. Pour nous, le retrait de la pierre de Yap de l’ancien jardin intérieur était le triste symbole de la fermeture du Musée de la monnaie. Son retour marque, cette fois-ci, une occasion plus joyeuse : l’ouverture du Musée de la Banque du Canada.
Pour ceux d’entre vous qui ne connaissent pas très bien notre pierre, voire les pierres de Yap en général, voici la description que vous pourrez lire sur l’étiquette d’exposition.
Cet impressionnant disque de pierre est une monnaie d’échange de l’île de Yap, située dans le Pacifique. Ce type de pierre, appelé rai, mesure de quelques centimètres à quatre mètres de hauteur. À notre connaissance, c’est le plus grand exemplaire à l’extérieur de l’île. Il était sans doute posé verticalement devant la demeure de son propriétaire initial. Lors des transactions, ces lourdes pierres restaient à leur place d’origine : elles changeaient simplement de propriétaire. Extraites des carrières de l’île de Palau, elles étaient transportées jusqu’à Yap sur des radeaux. Cette traversée difficile en eaux profondes sur une distance de 500 km leur attribuait de la valeur. Les rai sont encore parfois utilisés lors d’événements traditionnels, mais aujourd’hui la monnaie officielle de Yap est le dollar américain, un peu plus facile à transporter.
Notre pierre est l’un des rares rai à avoir été déplacés (plusieurs fois, même) et, le 3 juin 2017, elle a entrepris ce que nous espérons être son dernier voyage, du moins pour un bon moment. Elle est rentrée au bercail.
Au cours de la dernière semaine du mois de mai, deux grandes fenêtres ont été retirées de l’entrée pyramidale du Musée pour faire passer la pierre dans l’ouverture ainsi créée, et la déposer sur son support : un petit socle situé légèrement sous le niveau de la rue, à côté des escaliers menant aux salles du Musée. Lorsque je suis arrivé tôt samedi matin – jour de l’installation –, les fenêtres avaient déjà été ôtées, mais la pierre n’était nulle part en vue. Je me suis vite rendu compte que, si mes vêtements étaient adéquats pour une balade matinale à vélo, ils l’étaient beaucoup moins pour faire le pied de grue jusqu’à l’arrivée d’un camion. Votre brave correspondant s’est donc employé à sauter sur place pour maintenir sa circulation sanguine, jusqu’à ce qu’un gros camion-plateau rouge fasse son apparition en vrombissant. Dans sa remorque, une grande caisse en bois : l’invitée d’honneur. Elle partageait l’espace avec une étrange machine, sorte d’hybride mi-grue, mi-chariot élévateur. Cette dernière n’avait vraiment pas l’air à la hauteur de la mission qui l’attendait, mais elle nous a largement prouvé le contraire une heure plus tard, lorsqu’elle est passée à l’action. Mais d’abord, nous avons assisté à une métamorphose incroyablement gracieuse de la remorque à plateau. Le plateau s’est séparé en deux, puis son extrémité a glissé vers l’avant du camion pour finalement s’incliner, pendant que les roues se rétractaient. Nous sommes loin des véhicules qui se transforment en robots géants comme dans les films, mais c’était tout de même vraiment impressionnant. Une fois que la grue a gagné le trottoir et que la remorque a repris sa forme initiale, trois ou quatre hommes costauds ont commencé à défaire la caisse et son armature. On la voyait enfin : notre pierre de Yap.
Bien que l’emplacement définitif de notre géant de pierre ait suscité de nombreux débats, il a toujours été prévu que l’entrée pyramidale du Musée soit son nouveau foyer et c’est dans cet esprit qu’elle a été conçue. Malgré tout, en raison d’un lampadaire mal placé, l’installation de la pierre a dû se faire en deux étapes. Puisque la grue ne pouvait pas faire ses manœuvres directement en face du socle de la pierre, il a fallu faire passer cette dernière par l’un des encadrements de fenêtre, et la déposer temporairement sur le premier palier des escaliers du Musée. La grue a ensuite faire demi-tour et s’est de nouveau arrimée à la pierre – cette fois-ci à travers l’encadrement de fenêtre adjacent – pour amener celle-ci sur son socle sans heurter les colonnes de soutien.
Suivez les différentes étapes ici :
L’installation s’est faite si rapidement et sans heurt qu’elle a de toute évidence fait l’objet d’une planification détaillée. On avait l’impression d’assister à une chorégraphie maintes fois répétée. Ce spectacle valait vraiment la peine de se lever à 7 h un samedi.
Telles les hirondelles annonçant le printemps, le retour de la pierre de Yap marque un nouveau départ : l’ouverture du Musée de la Banque du Canada. L’imposant disque de pierre domine l’aire d’accueil du Musée, comme un gardien bienveillant qui retrouvera bientôt sa place parmi les célèbres monuments de la capitale. Quant à nous, nous fêtons nos retrouvailles avec un ami de longue date.
Bienvenue à la maison.
Le Blogue du Musée
Coller les pots cassés
Par : Stephanie Shank
Dans le domaine de la restauration, il est possible de reconstituer les objets métalliques cassés à l’aide d’une substance adhésive plus couramment utilisée pour réparer le verre et la céramique.
La restauration de la presse en taille-douce dite « araignée »
Par : Stephanie Shank
Largement répandu au XIXe siècle, ce type de presse manuelle était utilisé pour imprimer des documents financiers sécurisés au moyen de la taille-douce.
Pourquoi « $ » = dollar?
Par : Graham Iddon
Comment un « S » traversé d’une barre ou deux est-il devenu le symbole du dollar? Le savez-vous? Non? Ne vous en faites pas, nous sommes dans le même bateau.
Les jetons de la TTC et la nouvelle pièce de 1 cent de 1978
Par : David Bergeron
En 1977, devant la hausse du prix du cuivre, la Monnaie royale canadienne a voulu réduire la taille de la pièce de 1 cent. Elle était loin de se douter que la Toronto Transit Commission viendrait contrecarrer ses plans…
Les billets verticaux qui ont failli voir le jour
Par : Graham Iddon
Les équipes de conception de la société d’impression de produits fiduciaires ont présenté en retour à la Banque un résultat des plus surprenants : des billets verticaux.
L’introduction de la pièce de 2 $
Par : David Bergeron et Graham Iddon
Un billet de 2 $ durait environ un an, alors que la durée de vie d’une pièce dépasse dix ans.
Les racines canadiennes du billet vert
Par : Graham Iddon
Pour réussir à contrefaire un billet de banque au milieu du XIXe siècle, il fallait un graveur raisonnablement doué et un sens de l’éthique très peu développé.
Quoi de neuf en 2019?
Par : Graham Iddon
Au lieu de nous vanter de nos statistiques de fréquentation et de la popularité de notre programmation (toutes deux excellentes, soit dit en passant!), nous allons présenter les activités à venir en ce début d’année 2019.
La monnaie obsidionale de la guerre des Boers
Par : Graham Iddon
Comme toute ville assiégée, Mafeking voit ses réserves – et ses liquidités – s’amenuiser rapidement.
Explorons la Collection 11
Par : David Bergeron
On réduisit la taille des pièces de 1 cent, vu le coût du cuivre. Au même moment, l’idée de frapper les pièces canadiennes en nickel, un métal bon marché et abondant, faisait son chemin.
Plein aux as
Par : David Bergeron
Au Canada, durant l’époque coloniale, on a eu recours aux cartes à jouer en situation d’urgence pour pallier le manque chronique de pièces d’or et d’argent.
Explorons la Collection 10
Par : David Bergeron
À sa première assemblée internationale, en 1946, l’Universala Ligo décide de lancer une monnaie commune dont la valeur serait stable partout dans le monde.
Explorons la Collection 9
Par : Raewyn Passmore
Autrefois, on a fait la guerre pour contrôler le commerce du thé et on en offrait en cadeau en gage de paix. Le thé a même servi de monnaie.