Les hauts et les bas d’une recherche
En tant que conservateur de la Collection nationale de monnaies, j’exerce plusieurs grandes fonctions. La plus agréable? Celle qui consiste à faire des recherches sur les formidables objets de la collection, surtout quand mon investigation révèle quelque chose d’inédit. Avant l’ère Internet, il fallait souvent se déplacer dans les bibliothèques et les archives d’institutions publiques et privées, puis passer de longues – et parfois très pénibles – heures à consulter des tonnes de microfilms ou de documents manuscrits. Il m’arrivait même de revenir bredouille. Grâce au Web, on peut maintenant consulter une très grande quantité de documents d’archives, sans pratiquement aucune restriction. De plus, ces textes sont interrogeables, ce qui permet de mieux cibler ses recherches. Qu’il creuse dans un espace virtuel ou « les tranchées », le valeureux chercheur doit s’armer de patience et de bon sens pour fouiller des milliers, voire des millions, de documents, en quête de l’aiguille dans la botte de foin. Et j’en ai fait les frais récemment : difficile de trouver une petite pointe dans une énorme meule!
À l’automne de 2016, la Central States Numismatic Society (CSNS) m’a invité à préparer une communication pour son forum éducatif semestriel qui devait se tenir en mai 2017 à Windsor, en Ontario. La CSNS regroupe plus de 2 000 membres provenant de 13 États du Midwest américain et compte aussi des membres du Windsor Coin Club. Le président du club m’a demandé de faire un petit topo sur le concours de conception qui a eu lieu pour la série de pièces de 1937. Oui, c’est bien celles qui sont ornées des fameuses images emblématiques du Canada! Comme c’est en 2017 qu’on fête le 80e anniversaire de leur mise en circulation, le moment était bien choisi pour en parler.
Pour en savoir plus sur le programme de modernisation de la monnaie qui a mené à la conception de la pièce de 1937, je me suis appuyé sur l’ouvrage de James A. Haxby intitulé Striking Impressions. Titulaire d’un doctorat et ancien sous-conservateur de la Collection nationale de monnaies, M. Haxby a beaucoup contribué à notre compréhension de l’évolution de la monnaie au Canada. Malheureusement, il ne répertoriait pas ses sources. Mais je me suis dit que je trouverai bien de l’information quelque part.
J’ai commencé par le commencement, à savoir les documents de la Monnaie royale canadienne qui sont conservés à Bibliothèque et Archives Canada (BAC). En consultant l’outil de recherche (une sorte d’index qui permet aux chercheurs d’avoir une vue d’ensemble de plusieurs documents), j’ai constaté avec étonnement qu’il y avait peu de choses sur la conception des premières pièces. L’étendue de la documentation (ou du fonds) est mesurée en mètres linéaires, comme si les documents et les dossiers étaient placés côte à côte. L’épaisseur d’un fichier contenant 25 feuilles est d’environ 1 centimètre. Le fonds de la Monnaie royale canadienne à BAC mesure 15 mètres!
J’ai tout de même fait d’intéressantes découvertes. Dans une boîte, j’ai trouvé les esquisses originales de trois artistes qui avaient participé au concours : Sylvia Daoust, Henri Hébert et Jean-Baptiste Lagacé. C’était la première fois que j’entendais parler de ces artistes montréalais et de leurs propositions. M. Haxby n’en faisait aucunement allusion dans son ouvrage. En plus, l’outil d’aide ne mentionnait aucun document sur le programme de modernisation de la monnaie en 1937. Je ne comprenais pas où M. Haxby avait pris ses sources. Il me fallait creuser un peu plus.
C’est un peu par hasard que je suis tombé sur la correspondance volumineuse entre le directeur de la Monnaie royale canadienne et le sous-ministre des Finances. J’avais gagné le gros lot… Du moins, c’est ce que je pensais.
La correspondance du sous-ministre mesure à elle seule plus de 62 mètres linéaires, soit les deux tiers d’un terrain de football nord-américain. On y trouve des lettres sur la réduction de la taille du cent en 1920 et sur le passage de l’argent au nickel pour la fabrication de la pièce de 5 cents en 1922. Beaucoup de documents de correspondance portaient sur les célébrations du jubilé de diamant de la Confédération canadienne tandis que d’autres avaient pour sujet le dollar en argent de 1935. J’étais transporté à l’idée d’être si proche du but. Hélas, hélas, trois fois hélas, il y avait un trou béant là où j’aurais dû trouver de l’information sur le concours de conception de la pièce de 1937.
Par chance, la correspondance d’Emanuel Hahn sur ce concours appartient à la Collection nationale de monnaies. C’est Hahn qui a conçu la pièce de 25 cents, celle de 10 cents et le dollar en argent du voyageur. La collection comprend également des outils ayant servi à la fabrication des coins (sorte de matrices) ainsi que les esquisses de Hahn et d’un autre participant, Robert Tait McKenzie. J’avais donc un peu de matière pour préparer mon topo.
On ignore toujours s’il existe vraiment une correspondance sur le programme de modernisation ayant mené à la conception de la pièce de 1937 et si oui, où elle pourrait bien se cacher. Qui sait? Peut-être qu’en faisant des recherches sur un autre sujet (la mystérieuse disparition des coins du dollar du voyageur de 1987, par exemple), je vais découvrir un dossier isolé sur notre pièce emblématique de 1937. La dure réalité du métier de conservateur!
P.-S. Si jamais vous faites des recherches sur la frappe de monnaies au Canada et trouvez quelque chose sur le programme de modernisation à l’origine de la pièce de 1937, !
Le Blogue du Musée
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Devenir collectionneur, 3e partie
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Notre nouvelle exposition portera sur les graveurs, les processus de production, ainsi que l’esthétisme des timbres postaux et des billets de banque. La dernière fois, nous avons vu comment nous assurons l’intégrité des artéfacts de façon à répondre aux besoins de l’équipe chargée des expositions tout en apaisant les craintes des conservateurs.