La série de billets de 1954
Avez-vous déjà aperçu des yeux dans l’écorce d’un arbre? Des loups dans les nuages? Des visages qui vous observaient depuis les rideaux de la chambre de votre mère alors que ce n’était en fait que des motifs abstraits. Bien que ce blogue soit consacré à l’Halloween, je n’évoque ici rien de surnaturel; je parle de formes qui sont parfois visibles dans des images ou des motifs quelconques – comme dans l’illustration d’un billet de banque, par exemple.
Quand la Banque du Canada crée un billet de banque, l’une des choses que doivent faire ses chercheurs est de demander à un groupe de discussion d’examiner minutieusement le nouveau modèle de billet. Un regard neuf à ce stade est essentiel pour détecter toute forme non désirée dans les images. Si quelque chose semble dépasser de l’oreille de la personnalité ornant le billet ou si des visages se découpent sur les motifs en arrière-plan, il vaut mieux s’en apercevoir avant que le billet ne soit émis, car ce ne serait pas la première fois qu’une forme étrange figurerait sur un billet.
Dans les années 50, pour souligner la toute nouvelle confiance inscrite dans l’air du temps, le pays se dota de billets de banque modernes, d’inspiration nationaliste, conçus par l’artiste de guerre canadien Charles Comfort. La gravure d’un superbe paysage figurait au dos de chaque billet, tandis que notre tout nouveau monarque, Elizabeth II, tenait la vedette au recto de chacune des huit coupures. Le portrait de la reine avait été magnifiquement reproduit par le maître graveur George Gundersen de la British American Bank Note Company d’après un cliché officiel pris par le célèbre photographe canadien Yousuf Karsh. Les nouveaux billets étaient esthétiques et foncièrement canadiens.
Toutefois, quelque chose n’allait pas dans la gravure de la reine, un je-ne-sais-quoi un peu sinistre. Des gens ont commencé à déclarer avoir vu des formes étranges dans la chevelure de la reine, plus précisément le visage du diable! En 1956, un politicien britannique adresse une lettre cinglante au haut-commissaire du Canada :
« La face de diable est si parfaite que, ma foi, je ne vois pas comment elle aurait pu se retrouver là autrement que par la volonté malicieuse de l’auteur du dessin ou du graveur qui a fabriqué la plaque. Je joins à la présente une enveloppe pour que vous me retourniez le billet, mais je préférerais en fait que vous me disiez l’avoir brûlé. »
Le portrait du diable est mentionné de temps en temps dans les médias canadiens de 1956 jusqu’à 1959. À cette époque, un membre illustre du milieu des numismates prétendit que la présence du visage dans les cheveux de la reine n’était pas « accidentelle » et que les « auteurs tentaient peut-être de faire passer subtilement un message au public. » Un certain nombre de journaux reprirent cette histoire, répandant ainsi l’idée qu’un initié avait infiltré les sociétés d’impression de produits fiduciaires. Vrais ou faux, de tels commentaires avaient alors assurément éveillé l’intérêt pour les billets « à la face de diable » sur le marché des collectionneurs.
Quoi qu’il en soit, qu’il y ait eu ou non un complot perpétré par des graveurs démoniaques, la Banque est intervenue rapidement auprès des sociétés d’impression de produits fiduciaires pour qu’elles trouvent une solution. Le graveur Yves Baril a foncé dans la gravure de Gundersen les reflets de la chevelure de la reine. Ainsi, après 1957, la série ne comportait plus aucune image douteuse ni d’autre visage que celui de la reine.
Dénué d’intention diabolique, Gundersen avait en fait réalisé une reproduction remarquable du cliché de Karsh. L’artiste avait tout simplement été rattrapé par son talent. En effet, si vous examinez attentivement la photo prise par Karsh et plissez légèrement les yeux, vous pouvez discerner dans les contours de la chevelure royale, juste au-dessus de l’oreille gauche de la reine, l’apparence d’un visage. Le travail d’orfèvre de l’artiste a rendu ces contours plus visibles et plus démoniaques en raison de la finesse des lignes de sa gravure sur fonds contrastés.
Il semblerait que la colère de M. Hogg n’aurait pas dû être dirigée contre le talentueux M. Gundersen, mais plutôt contre le coiffeur de la reine. À moins, bien sûr, qu’il ait existé un sombre complot impliquant le coiffeur, le photographe et le graveur… Laissez-moi vérifier sur Internet. Joyeuse Halloween!
Le Blogue du Musée
À la mémoire d’Alex Colville (1920-2013)
Par : Raewyn Passmore
Le personnel du Musée de la monnaie a été attristé d’apprendre le décès de l’artiste Alex Colville, le 16 juillet à son domicile de Wolfville, en Nouvelle-Écosse, à l’âge de 92 ans. M. Colville est l’un des peintres les plus célèbres au Canada, mais ses sculptures, elles, sont moins connues.
Au revoir, cher Musée!
Par : Graham Iddon
Les origines du Musée de la monnaie remontent à 1959, année où le gouverneur James Coyne a proposé d’instaurer une collection de monnaies reflétant l’histoire colorée des moyens de paiement au Canada. C’est en 1963 que le feu vert a été donné par le successeur de M. Coyne, Louis Rasminsky. Entre-temps, on avait élargi le mandat de la collection pour y inclure l’histoire mondiale de la monnaie, des artéfacts liés à sa fabrication ainsi qu’au domaine bancaire, de même qu’une bibliothèque consacrée à la numismatique.