Une monnaie fascinante, à l’image de l’époque
La guerre est un moteur de changement sociétal des plus terribles : elle assoit et fait tomber les gouvernements, redessine les frontières et cause de profonds bouleversements sociaux. Moins dramatique, mais toujours accompagné de changements sociétaux, est l’effet de la guerre sur la monnaie. Les changements liés aux matériaux de la monnaie témoignent des nécessités économiques de la guerre, tandis que les changements relatifs à la conception reflètent un nouveau message des gouvernants. Parfois, des besoins exceptionnels entraînent la création d’émissions monétaires entièrement nouvelles.
Au Canada, la monnaie a peu changé durant la Première Guerre mondiale. À la veille des affrontements, en 1913, la Banque Royale du Canada a émis un billet patriotique de 10 $ représentant le HMS Bellerophon, un cuirassé de la Royal Navy. Ce billet était un hommage à la suprématie navale des Britanniques dans la course à l’armement qu’ils livraient à l’Allemagne durant les années d’avant-guerre. En 1917, le gouvernement canadien a mis en circulation un autre billet patriotique de 1 $ à l’effigie de la princesse Patricia, fille du gouverneur général de l’époque, le duc de Connaught. C’est d’ailleurs en son honneur que fut baptisé le régiment canadien d’infanterie légère du même nom, l’un des premiers contingents du pays à être déployé en mission outre-mer.
Ailleurs, la transformation a été plus profonde. En Europe, les pièces d’or et d’argent ont pratiquement disparu de la circulation, à force d’être thésaurisées par les particuliers ou rappelées par les États pour soutenir l’effort de guerre. À leur place, on émettait des billets en papier sans grande valeur. C’est ainsi que le gouvernement britannique a autorisé l’émission de billets de 10 shillings et de 1 livre pour remplacer le souverain et le demi-souverain en or, anticipant le besoin pour ses citoyens de commercer. Les gouvernements allemand et austro-hongrois, et les pays occupés qu’étaient alors la Belgique et le Luxembourg, ont eux aussi troqué leurs pièces en argent contre des petites coupures en papier ou des pièces et jetons faits de fer ou de zinc. Certains États, comme la Belgique, émettaient cette monnaie de nécessité contre promesse de la racheter une fois la guerre terminée. En France, les chambres de commerce de certaines villes ont émis leurs propres bons, gagés sur des dépôts à la Banque de France. En Russie et en Roumanie, les gouvernements ont adopté, à titre provisoire, des timbres-monnaie comme instrument monétaire de fortune. Confrontés à la pénurie de pièces, des marchands ont même commencé à mettre en circulation des bons privés (certificats) et des jetons.
Une vague de changement similaire s’est propagée dans les États membres des empires coloniaux européens, où l’appui des administrations centrales envers les gouvernements locaux faiblissait. Ainsi, les pièces métalliques ont été remplacées par des cartes de petit format au Maroc et à la Réunion (cette île à l’est de Madagascar était alors une colonnie française), tandis qu’en Nouvelle-Calédonie, protectorat français bordé par la mer de Corail à l’est de l’Australie, on émettait des timbres-monnaie. Au Sénégal, le gouvernement a émis des coupures allant de 50 centimes à 2 francs pour remplacer les pièces. La Banque d’Afrique orientale allemande a quant à elle mis en circulation des billets « provisoires » de conception rudimentaire, imprimés sur du papier de toutes sortes, ainsi que des pièces fabriquées à partir d’anciennes douilles d’obus en laiton.
Même les combattants n’y ont pas échappé : à la cantine et dans les camps d’entraînement derrière les lignes, les militaires payaient avec des jetons. Les troupes britanniques déployées sur le théâtre des opérations de l’Empire ottoman (Turquie) utilisaient quant à elles une énorme quantité de faux billets qui avaient été imprimés à dessein par leur gouvernement. Les prisonniers de guerre ont aussi employé une monnaie spécifique durant leur captivité. Même les forces d’occupation de la Pologne ont procédé à des émissions monétaires.
La Première Guerre mondiale a redessiné la carte de l’Europe, et sans doute mis en branle la succession d’événements qui conduisirent à la Deuxième Guerre mondiale. Les différentes formes de monnaie qui ont fait leur apparition pendant le conflit et dans son sillage sont des fragments d’histoire qui témoignent des difficultés de la période et de la résilience des peuples et des États en temps de crise.
Le Blogue du Musée
La signature de la première sous-gouverneure
Par : Graham Iddon
Pendant une bonne partie de leur histoire, les billets de banque canadiens représentaient, en quelque sorte, des promesses : leur échange contre des espèces (pièces d’or et d’argent) à l’institution émettrice était garanti.
Devenir collectionneur, 5e partie
Par : Graham Iddon
Vous entrez dans un bar fréquenté par des collectionneurs de monnaies. Vous vous mêlez à la conversation au cours de laquelle vous confondez les termes « rosette » et « planchette » (des chopes de bière frappent lourdement les tables et le pianiste arrête de jouer).
Devenir collectionneur, 4e partie
Par : Graham Iddon
Maintenant que vous avez saisi les rudiments de la conservation des pièces de monnaie, vous voudrez sans doute vous familiariser avec les caractéristiques de leur anatomie.
Reconstruction du Musée, 3e partie
Par : Graham Iddon
Même si nous savons forcément que l’ancien espace du Musée est en train d’être dépouillé, le voir de nos propres yeux produit encore sur nous une étrange impression.
SOUvenons-nous
Par : Graham Iddon
Il ne faudrait quand même pas oublier notre exposition temporaire SOUvenons-nous, présentée au Musée canadien de l’histoire, qui rappelle les 150 ans d’existence de la pièce de un cent au pays.
Reconstruction du Musée, 2e partie
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