C’est écrit vert sur blanc
Les racines du nom «greenback» remontent à la guerre de Sécession. Peu de gens savent que l’encre anticontrefaçon qui a inspiré cette appellation a été inventée au Canada.
Qu’est-ce qu’un nom?
Dans le roman The Long Goodbye de Raymond Chandler, publié en 1953, le détective privé Philip Marlowe reçoit une lettre qui contient un « portrait de Madison ». Le portrait auquel Marlowe fait allusion est un billet de 5 000 $ orné d’une gravure de l’ancien président américain James Madison.
Dans le jargon américain de l’époque de Chandler, une panoplie de surnoms étaient utilisés pour parler de la monnaie de papier, comme « folding money », « c-notes », « centuries », « sawbucks », « bills », « Benjamins », « Jacksons » ou « Lincolns ». Celui qui a le mieux résisté à l’épreuve du temps est « greenbacks », ou « billets verts ». Les racines de ce nom remontent à la guerre de Sécession : pendant cette période, le gouvernement américain a émis des billets ornés, au verso, d’un imposant motif géométrique complexe de couleur verte, d’où le surnom « billets verts ». Peu de gens savent que l’encre anticontrefaçon qui a inspiré cette appellation a été inventée au Canada.
Des billets… photogéniques
Durant la première moitié du XIXe siècle, les billets de banque étaient généralement imprimés avec de l’encre noire. Pour réussir à contrefaire un billet de banque à cette époque, il fallait un graveur raisonnablement doué et un sens de l’éthique très peu développé.
L’invention de l’impression photographique a toutefois changé les choses – du moins en ce qui concerne le talent. À l’aide d’un appareil photo, les faussaires pouvaient assez facilement faire des reproductions convaincantes de billets de banque sans avoir à graver de plaques d’impression.
Plusieurs tentatives de contrefaçon de billets de banque au moyen d’une photographie ont été fructueuses, et cette fraude ne s’est pas limitée aux billets de banque. En effet, d’autres documents de valeur ont été copiés d’une manière semblable. (Traduction)
The Photographic News, 22 octobre 1858
Les sociétés d’impression fiduciaire ont réagi en ajoutant des encres de couleur à leurs billets. Les faussaires ont alors retiré l’encre de couleur, photographié les composantes restantes imprimées en noir, et utilisé un processus secondaire pour réimprimer les éléments en couleur. Les sociétés d’impression se sont donc résolues à trouver une encre de couleur qui serait difficile, voire impossible, à retirer d’un billet authentique. Et c’est du Canada qu’est venue cette encre très recherchée.
Du contenu canadien
Le Dr Thomas Sterry Hunt a inventé cette encre lorsqu’il enseignait à l’Université Laval, à Québec, en 1857. Il l’a mise au point à la demande du président de la City Bank de Montréal, dont les billets étaient souvent contrefaits. La teinte d’impression dite « Canada Bank Note Tint » utilisait un pigment sesquioxyde de chrome anhydre. Pour ceux qui n’ont pas de doctorat en chimie, cela signifie que le chrome était surchauffé dans un environnement pratiquement dépourvu d’oxygène, dans lequel il se décomposait. Le matériau obtenu était alors mélangé avec de l’huile de lin afin de donner à l’encre une teinte verte, semblable à celle du cuivre oxydé. Cette encre s’est avérée extrêmement résistante à presque toute tentative de la retirer du papier, physiquement ou à l’aide d’un produit chimique. Comme Hunt n’était pas un sujet britannique, il ne lui était pas permis de faire breveter l’encre. George Matthews, un chimiste de la City Bank de Montréal, a donc déposé une demande de brevet pour Hunt et lui envoyait les redevances perçues.
Une encre indestructible?
Une organisation anticontrefaçon a fait tester l’encre par plusieurs chimistes de renom. John Torrey, un professeur émérite de chimie, a certifié que le composé vert était insoluble et qu’aucun agent chimique ne pouvait le détruire, sauf ceux qui s’attaquent au papier même. Le chimiste Wolcott Gibbs, de la Free Academy of New York, a quant à lui découvert que l’encre pouvait être retirée en faisant bouillir le billet dans de l’huile de vitriol concentrée, mieux connue sous le nom d’acide sulfurique. Finalement, le chimiste Charles T. Carney a trouvé une façon de retirer l’encre en n’endommageant pas le reste du billet.
Par conséquent, en août 1857, le comité de direction de l’Association of Banks for the Suppression of Counterfeiting a déterminé, à la suite d’un vote unanime, qu’il ne pouvait pas recommander l’encre verte brevetée aux banques associées.
Malgré cela, les sociétés d’impression de billets de banque des États-Unis étaient suffisamment impressionnées par l’encre pour l’utiliser sur les billets émis par le gouvernement américain pendant la guerre de Sécession ᅳ plus particulièrement au verso.
La naissance du billet vert
Ces billets, rapidement baptisés « billets verts », ont été créés afin d’aider à financer les efforts de l’Union pendant la guerre de Sécession. Tout comme les billets de banque d’aujourd’hui, les billets verts étaient une monnaie fiduciaire et ne pouvaient pas être échangés contre de l’or dans une banque. Ils avaient toutefois cours légal et pouvaient servir à acheter des produits de base, payer des dettes ou des taxes, et acheter des obligations d’État. Pendant la guerre, les billets verts ont remplacé la majorité des billets émis par des banques d’État, qui dominaient l’économie jusqu’alors. Et le sobriquet « billet vert » s’est révélé si populaire qu’il désigne maintenant tout billet de banque américain.
Depuis, la majorité des billets américains sont imprimés en vert. Même sur les séries plus colorées d’aujourd’hui, les vignettes figurant au verso des billets ont toujours cette couleur familière. Une distinction toutefois, la teinte utilisée n’est pas celle appelée « Canada Bank Note Tint ».
Alors, la prochaine fois que vous serez aux États-Unis et que vous sortirez un billet vert, regardez l’illustration de cet important symbole américain au verso et souvenez-vous que, du moins symboliquement, vous avez une minuscule parcelle du Canada entre les mains.
Le Blogue du Musée
Reconstruction du Musée, 8e partie
Par : Graham Iddon
Même s’il y a encore un tas de choses à faire, nul doute que nous serons fin prêts pour l’ouverture.
Expositions spéciales
Qu’elles proviennent d’autres institutions ou de notre propre équipe, les expositions spéciales maintiennent le Musée au goût du jour. Voyez ce qui se passe en ce moment au Musée de la Banque du Canada.Exposition permanente
Les expositions permanentes forment la pierre angulaire du Musée. Elles présentent l’histoire que nous voulons raconter aux visiteurs. Nos expositions permanentes sont uniques, et l’histoire s’adresse à vous.Accessibilité et besoins particuliers
Au Musée de la Banque du Canada, nous nous efforçons d’offrir à chaque visiteur une expérience positive et nous nous sommes engagés à assurer l’accessibilité pour tous.Planifiez votre visite
Voici ce que vous devez savoir, comment profiter pleinement de votre visite et comment vous rendre au Musée.Le retour de la pierre de Yap
Par : Graham Iddon
Pour nous, le retrait de la pierre de Yap de l’ancien jardin intérieur était le triste symbole de la fermeture du Musée de la monnaie. Son retour marque, cette fois-ci, une occasion plus joyeuse : l’ouverture du Musée de la Banque du Canada.
Un nouveau billet de 10 $ dans les parages
Par : Graham Iddon
Bien de son temps, le gouverneur Stephen S. Poloz a pris un égoportrait avec un billet C150 avant d’aller rejoindre l’honorable Ginette Petitpas Taylor pour la séance de photos principale.
Nouvelles acquisitions
Par : Paul S. Berry
Bien qu’elles n’aient jamais été mises en circulation, ces deux pièces font partie de la première initiative officielle de frappe de pièces de monnaie au Canada.
Les 150 ans de la Confédération
Par : Graham Iddon
La diversité culturelle et régionale du Canada est un élément clé de notre identité nationale. Cependant, illustrer de tels concepts sur un morceau de polymère de sept centimètres sur quinze constitue un défi colossal.
Reconstruction du Musée, 7e partie
Par : Graham Iddon
Il offre une très grande flexibilité et, au moment où on se parle, les graphistes du Musée s’affairent à en adapter le format à la bonne dizaine d’usages prévus.