Prochain arrêt : Calgary
Le 66e congrès annuel de l’Association royale de numismatique du Canada (ARNC) se tiendra au pays de la rose aciculaire, et le Musée de la Banque du Canada a organisé des activités palpitantes pour cette occasion.
Chaque année, le congrès de l’ARNC a lieu dans une ville canadienne différente, et chaque année, le Musée de la Banque du Canada y participe en y tenant des présentoirs, en y faisant des exposés et en prenant part à des réunions.
Cette année, la ville de Calgary, en Alberta, accueillera plus de 250 numismates (spécialistes des monnaies) et collectionneurs passionnés qui assistent assidûment aux congrès de l’association. Lorsque vient le temps de choisir quels grands trésors de la Collection nationale de monnaies seront présentés, nos conservateurs s’inspirent du lieu où se tiendra l’événement. Or, Calgary est l’endroit parfait pour mettre en valeur les objets moins connus de cette collection qui comprend bien plus que des pièces de monnaie et des billets de banque.
Coup d’œil à l’histoire riche – et parfois chaotique – de la monnaie en Alberta
L’Alberta s’est jointe à la fédération canadienne relativement tard, soit en 1905, en même temps que la Saskatchewan. Avant cela, ni la province ni ses grands centres urbains, Calgary et Edmonton, n’avaient de monnaie officielle ou même officieuse. Pour cette raison, je me suis dit que trouver des objets à exposer lors du congrès serait tout un défi! Mais en faisant quelques recherches à l’aide de mots-clés dans notre excellente base de données, nous avons découvert que la Collection nationale de monnaies contient plus de 1 400 objets provenant de l’Alberta.
Étant donné ce choix si vaste et varié, j’ai dû écourter la liste des thèmes à aborder lors du congrès afin d’y présenter un nombre raisonnable d’objets. Les sujets que j’ai choisis sont éclectiques : pièces de monnaie étrangères qui ont circulé à Calgary; monnaie émise comme mesure d’aide temporaire lors de la Grande Dépression; obligations, opérations bancaires et faillites; jetons commerciaux provenant de l’A à Z (ou presque) des villes albertaines.
Des pièces de monnaie des « Détroits » en circulation à Calgary…
Au moment où, dans l’Ouest, on se remettait à peine de la ruée vers l’or de la vallée du Fraser (1858) et du Klondike (1896), les gens préféraient, naturellement, les pièces de monnaie aux billets de banque. Toutefois, les pièces se faisaient rares dans les Prairies et il n’était pas facile d’en trouver des valables. Avant que l’Alberta devienne une province canadienne, ses habitants obtenaient principalement leur argent des banques et se retrouvaient avec un méli-mélo de pièces canadiennes, américaines et étrangères, qui étaient souvent très usées, mutilées ou fausses.
Dès 1897, on rapportait que des pièces de monnaie en argent des colonies britanniques de l’Asie étaient écoulées à Vancouver au pair, alors que les banques ne les acceptaient qu’à moins de la moitié de leur valeur. Ces pièces, qui provenaient entre autres du Ceylan (Sri Lanka), de l’Inde, de Hong Kong et des Établissements des Détroits (Malaisie et Singapour), étaient dévaluées par les banques en raison de leur piètre qualité et de l’effort qu’il fallait déployer pour les renvoyer dans leur pays d’origine afin de les encaisser. Il a fallu peu de temps pour que les pièces de monnaie étrangères se retrouvent dans les caisses enregistreuses, les poches et les porte-monnaie du reste du Canada.
À l’aube de 1906, les journaux faisaient état des problèmes causés par les pièces d’argent étrangères en circulation au pays : des petits futés achetaient des pièces des Établissements des Détroits à moitié prix à Vancouver pour les utiliser à Calgary, où elles étaient acceptées au pair. Les Calgariens étaient outrés d’apprendre que les pièces des Établissements des Détroits contenaient moins d’argent que les pièces canadiennes, et que les banques ne les acceptaient que bien en deçà du pair. La valeur totale de ces pièces qui circulaient alors à Calgary se situait entre 10 000 $ et 20 000 $, soit un montant considérable dans l’économie locale. Au début de mars 1906, les commerçants de la ville n’acceptaient les pièces des Établissements des Détroits qu’à la moitié de leur valeur. Elles ont disparu de la circulation peu de temps après.
… aux déboires des banques albertaines
Les banques ont mis beaucoup de temps à s’implanter en Alberta. La Banque de Montréal et la Banque Impériale du Canada ont ouvert leurs premières succursales à Calgary en 1886, et ce n’est qu’à partir des années 1920 que toutes les grandes banques ont eu pignon sur rue dans les différentes localités de la province. En 1975, la Norbanque et la Banque Commerciale du Canada, de nouvelles banques albertaines, étaient en bonne santé financière et investissaient massivement dans le pétrole, le gaz et les prêts immobiliers. Cependant, la récession et les hauts taux d’intérêt du début des années 1980 ont porté un coup dur au secteur pétrolier et gazier, et les deux banques ont fait faillite.
En 1985, lors de la fin de semaine de la fête du Travail, le ministre des Finances annonçait que la Norbanque et la Banque Commerciale du Canada n’étaient plus viables et qu’elles mettaient fin sur-le-champ à leurs activités. Les autres grandes banques ont absorbé leurs actifs et les clients ont pu recouvrer leurs dépôts. Les grands perdants étaient les actionnaires des deux faillies, qui ont vu leurs actions suspendues à la Bourse de Toronto le 4 septembre 1985. Ces faillites bancaires sont les dernières à être survenues au Canada.
Trouvez un jeton de votre ville natale
De 1880 à 1965, des petites entreprises de centaines de villes d’un bout à l’autre du Canada émettaient des jetons afin d’augmenter leur notoriété, de fidéliser davantage leur clientèle et d’améliorer leur prestation de services. Or, la Collection nationale de monnaies en compte près de 6 000. Les jetons commerciaux étaient de différentes tailles et formes, et étaient fabriqués à partir de différents matériaux. Par ailleurs, on les utilisait pour acheter presque de tout, que ce soit une miche de pain ou un lavage de voiture. Beaucoup de jetons commerciaux étaient exposés à l’ancien Musée de la monnaie de la Banque du Canada, et on entendait souvent les visiteurs dire qu’ils étaient agréablement surpris de trouver de l’« argent » provenant de leur ville natale. Des 375 jetons commerciaux de la Collection provenant de l’Alberta, j’en ai choisi au moins un de chaque ville de la province en veillant à ce que les premières lettres des villes couvrent l’alphabet, du moins de A à Y, soit d’Athabasca à Youngstown, car Zama City n’a jamais émis de jetons. Je tiens aussi à souligner que le nom d’aucune ville albertaine ne commence par les lettres Q, U ou X!
Mes recherches en matière de numismatique albertaine ont encore une fois démontré que lorsque l’argent se fait rare, les Canadiens trouvent mille et une façons de surmonter les épreuves, de favoriser les échanges commerciaux et d’assurer leur prospérité. Si jamais vous vous trouvez à Calgary entre les 16 et 20 juillet, venez au congrès de l’ARNC, où vous trouverez de nombreux marchands et collectionneurs passionnés de numismatique. Vous y découvrirez aussi d’autres histoires fascinantes qui se cachent derrière les monnaies du Canada et du monde entier.
Sources
- Calgary Herald, 3 mars 1906.
- DINGLE, James F. (2003). Une évolution planifiée : l’histoire de l’Association canadienne des paiements de 1980 à 2002, Ottawa, Banque du Canada, consulté le 6 juin 2019.
- The Globe, 18 juillet 1905.
- Vancouver Daily World, 7 septembre 1897.
Le Blogue du Musée
Le mot du directeur - c’est le début d’un temps nouveau
Par : Ken Ross
« Quand une porte se ferme, une autre s’ouvre » : nous connaissons presque tous cette citation célèbre d’Alexander Graham Bell. Cependant, nous oublions souvent qu’elle comporte une deuxième partie : « Mais nous regardons souvent si longtemps et avec tant de regrets la porte fermée que nous ne voyons pas celles qui s’ouvrent pour nous. »
À la mémoire d’Alex Colville (1920-2013)
Par : Raewyn Passmore
Le personnel du Musée de la monnaie a été attristé d’apprendre le décès de l’artiste Alex Colville, le 16 juillet à son domicile de Wolfville, en Nouvelle-Écosse, à l’âge de 92 ans. M. Colville est l’un des peintres les plus célèbres au Canada, mais ses sculptures, elles, sont moins connues.
Au revoir, cher Musée!
Par : Graham Iddon
Les origines du Musée de la monnaie remontent à 1959, année où le gouverneur James Coyne a proposé d’instaurer une collection de monnaies reflétant l’histoire colorée des moyens de paiement au Canada. C’est en 1963 que le feu vert a été donné par le successeur de M. Coyne, Louis Rasminsky. Entre-temps, on avait élargi le mandat de la collection pour y inclure l’histoire mondiale de la monnaie, des artéfacts liés à sa fabrication ainsi qu’au domaine bancaire, de même qu’une bibliothèque consacrée à la numismatique.