Un jeton-souvenir de la Première Guerre mondiale raconte tout un parcours
En 1919, dans l’attente de sa libération de l’armée, un soldat canadien repense aux événements qu’il a tout juste vécus, les plus bouleversants de sa vie, et décide de les immortaliser.
L’art des tranchées
De nombreux soldats de la Première Guerre mondiale s’improvisaient artistes, laissant en héritage ce qu’on appelle l’art des tranchées. Ils utilisaient de la ferraille, du bois et, surtout, des douilles d’obus en laiton pour fabriquer des cendriers, des ustensiles, des lampes et des bijoux, sur la plupart desquels ils gravaient d’une main sûre dates, régiments et lieux. Ces œuvres faisaient office de souvenirs d’expériences qu’on ne peut s’imaginer. La contribution du soldat Edward Atkinson à l’art des tranchées est ce qu’on appelle un jeton d’amour, soit un souvenir fait à partir d’une pièce de monnaie. Ce petit rond de métal raconte son parcours dans la Grande Guerre.
Retracer l’histoire du soldat Atkinson
Déjà, le jeton d’amour permet d’en apprendre beaucoup sur le jeune homme : son nom, son grade, son bataillon, son matricule et les batailles auxquelles il a pris part. Il s’agit d’un excellent point de départ pour nos grandes recherches sur l’histoire du soldat Atkinson pendant la Première Guerre mondiale.
Le dossier militaire d’Edward Atkinson est accessible sur le site de Bibliothèque et Archives Canada. Bien que parfois vagues, illisibles et même contradictoires, les renseignements qui s’y trouvent révèlent d’amples détails sur l’enrôlement, la santé, la famille et les déplacements du soldat. Cependant, ils n’en disent que très peu sur les lieux où il a combattu. Heureusement, les dossiers de bataillon et la documentation générale sur l’effort canadien dans la Grande Guerre aident à combler certains trous dans l’histoire. Suivez-nous sur les traces du soldat Atkinson.
Qui était Edward Atkinson?
Edward Albert Atkinson naît le 22 janvier 1888 à Beddington, un quartier de Croydon, en banlieue de Londres, dans le comté de Surrey, en Angleterre. Il immigre au Canada en 1906, s’établissant à Winnipeg, où il travaillera comme ouvrier de la construction et pompier.
À peine huit ans plus tard, le Canada entre en guerre pour apporter des renforts à la Grande-Bretagne. En juin 1915, Edward Atkinson s’enrôle dans le 61e bataillon du Corps expéditionnaire canadien, une unité d’infanterie. À 27 ans, il est considéré comme un peu vieux pour le service militaire, mais encore apte au service. Son unité s’entraîne au camp Hughes, près de Brandon, au Manitoba.
Le 1er avril 1916, Edward et plus de 5 000 autres militaires quittent le port d’Halifax pour l’Angleterre à bord de l’Olympic, un navire de transport de troupes de Sa Majesté.
Le soldat Atkinson retrouve sa mère patrie
À son arrivée en Angleterre, Edward est transféré au 44e bataillon. Il poursuit son entraînement à Bramshott, dans le Hampshire, où le Corps expéditionnaire canadien se prépare au combat. Selon son dossier médical officiel, il aurait contracté une infection due à « son intempérance et son inconduite » pendant un congé à Londres au mois de mai. Il passe les semaines suivantes au Connaught Hospital, à Bramshott. Il s’agit de la seule trace des soins médicaux qu’il a pu recevoir pendant ses trois années sur le front de l’Ouest. Le 5 octobre 1916, il reprend la mer pour aller rejoindre son unité en France.
Les batailles du soldat Atkinson
Arras et Vimy
En janvier, Atkinson est muté à la 10e compagnie de campagne du Corps de génie canadien, qui regroupe des ouvriers spécialisés dans la construction de ponts et de tunnels. Son arrivée coïncide avec les préparatifs en vue de la campagne d’Arras, laquelle donnera lieu à la bataille de la crête de Vimy. Les ingénieurs de l’armée sont alors chargés de construire des kilomètres de tunnels et de routes, de poser des rails et d’installer des câbles de communication. Edward servira dans cette compagnie jusqu’à ce qu’il soit rappelé auprès du 44e bataillon moins d’une semaine avant le début des hostilités pour la prise de la crête de Vimy, le 12 avril. Comme il n’était pas entraîné pour mener cette offensive particulière, nous ne savons pas quel a été son rôle dans ce combat marquant de l’histoire du Canada, mais son jeton nous dit qu’il était sur les lieux.
Ypres ou Passchendaele
Prochain arrêt sur le jeton du soldat : Ypres. Trois grandes batailles portent le nom de cette ville médiévale de la Belgique. La troisième, celle de Passchendaele, a débuté en octobre 1917. Cet affrontement aura été l’un des plus dévastateurs de la guerre : toutes allégeances confondues, près d’un demi-million de soldats y ont été blessés ou tués. Les forces canadiennes devaient une fois de plus accomplir une mission quasi impossible, soit de s’emparer de la crête de Passchendaele. Ils y sont parvenus à la fin de novembre. On dit souvent que le Canada a répété à Passchendaele l’exploit réussi à Vimy. Selon les archives, Edward y a rejoint ses compagnons d’armes le mois de la victoire.
Jusqu’à l’été suivant, aucune autre bataille ne paraît dans les dossiers du 44e bataillon. Le même constat est évident sur le jeton et dans le dossier militaire du soldat Atkinson. On ne sait donc pas ce qu’il est advenu de lui jusqu’à la bataille d’Amiens.
Amiens, Cambrai, Arras et Mons
En avril 1918, l’armée allemande lance une vaste offensive, gagnant beaucoup de terrain sur le territoire des Alliés, dont la riposte sera plus tard appelée l’offensive des Cent-Jours : une contre-attaque qui s’amorce par la bataille d’Amiens, en août, et se termine dans la ville belge de Mons, le 11 novembre 1918.
Les troupes américaines ont alors rejoint les Alliés, qui repoussent l’armée allemande, épuisée et à court de vivres et d’équipement, à travers la lande désolée qui sert de champ de bataille depuis quatre ans. La ville d’Arras apparaît une deuxième fois sur le jeton du soldat Atkinson, ce qui porte à croire que ce dernier a participé à la prise du canal du Nord. Cette hypothèse tient du fait que les Canadiens ont érigé un pont pour permettre aux troupes de traverser le canal, non loin de la ville de Cambrai.
La présence du nom de Cambrai est un peu déroutante. Cependant, il est possible qu’Edward ait rattaché la bataille du Canal-du-Nord à la ville de Cambrai, comme il l’a fait avec la bataille de Passchendaele et la ville d’Ypres. Notre examen du jeton nous mène ensuite à Mons, un nom qui concorde avec les livres d’histoire. Edward et ses camarades encore debout entreprennent la marche vers cette ville du centre-sud de la Belgique, où ils arrivent le 11 novembre 1918. C’est ce matin-là que l’Allemagne capitule. Moins d’une semaine plus tard, Edward obtient un congé pour se rendre en Angleterre et épouser une femme prénommée Dorothy.
L’Après-guerre
Nous ne connaissons pas le nom de jeune fille de Dorothy Atkinson. Selon le dossier de solde d’Edward, nous savons qu’elle habitait Croydon, tout près de la ville natale de son mari. Peut-être étaient-ils des amis d’enfance? Peut-être l’a-t-il rencontrée pendant un passage à Londres? Tout ce que nous pouvons affirmer avec certitude, c’est qu’ils se sont mariés après l’Armistice et qu’Edward est retourné en France peu de temps après.
En avril 1919, Edward était toujours en France. Force est d’admettre que ce n’était pas une mince affaire que de renvoyer près de 250 000 soldats canadiens chez eux. Edward n’a été officiellement libéré de l’armée que le 22 août 1919. C’est probablement au printemps ou à l’été de cette année-là qu’il a créé son jeton d’amour à partir d’une pièce de monnaie italienne comme souvenir de sa guerre.
Le 8 août 1919, à Liverpool, en Angleterre, Dorothy Atkinson est montée à bord du Corsican, un navire à vapeur de la Canadian Pacific Steamship Company. Elle est débarquée à Québec dix jours plus tard. Edward était probablement du même voyage, mais a dû rester au Clearing Services Command Depot, à Québec, près de deux de semaines. En tout, son rapatriement aura pris huit mois. Lui et son épouse se sont ensuite établis au Manitoba, où Edward vivait avant la guerre.
En 1921, selon le recensement national de l’année, Edward travaillait dans une laiterie et demeurait avec Dorothy au 644, avenue Higgins. Aujourd’hui, cette rue à quelques pas du vieux centre-ville de Winnipeg est bordée d’entreprises de construction et de sociétés industrielles. Dans le recensement des provinces des Prairies mené en 1926, on ne trouve aucune trace des Atkinson.
C’est là que notre piste s’arrête. Si des proches ou des descendants de Dorothy et Edward en savent plus sur la vie du couple avant, pendant ou après la Première Guerre mondiale, nous les invitons à nous contacter par courriel.
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Le moment est venu pour le rédacteur de respirer un bon coup, car il doit maintenant parvenir à résumer en 65 mots 50 pages de recherches autour d’un thème comme « la représentation de 75 ans d’identité nationale sur les timbres et les billets de banque ».