Visions passées de l’argent du futur
La science-fiction nous a donné les pistolets laser, les voitures volantes et les androïdes… mais il y a une chose qui n’a jamais reçu le traitement futuriste : l’argent.
Avez-vous connu Les Jetsons, une version rétrofuturiste des Pierreafeu? L’action s’y déroule en 2062; pourtant, malgré les voitures volantes rétractables, les immeubles flottants et les robots domestiques, tout se paye encore avec des billets verts. Même si les créateurs de ce dessin animé n’étaient pas considérés comme de grands prophètes du futur, leur vision était partagée par bien des adeptes de science-fiction. Mais pourquoi les modes de paiement n’auraient-ils pas évolué à l’ère des voyages intergalactiques? C’est une question que les futuristes qui ont nourri l’imaginaire populaire ont toujours semblé fuir.
Des transactions en catimini dans la galaxie
Ceux qui ont grandi avec le premier film de La Guerre des étoiles se souviendront de la scène où Owen, l’oncle de Luke Skywalker, achète les droïdes R2-D2 et C-3PO à une bande de Jawas. À un moment très bref, on le voit déposer quelque chose de petit dans les mains d’une des créatures. Ce pourrait être aussi bien de l’argent que des clés tombées par terre. Chose certaine, il n’y a aucun lecteur biométrique en vue! Évidemment, s’il avait fallu que l’oncle Owen sorte une liasse de bons vieux billets verts dans cet univers où les robots côtoient les voitures volantes, on aurait un peu décroché. Mais comment a-t-il payé? Malgré ses airs de fin négociateur, il n’a quand même pas pu extorquer les Jawas! Il faut croire que les méthodes de paiement n’ont tout simplement pas le même attrait que les sabres laser.
Voyez-vous, l’argent n’existe pas au 24e siècle.
Capitaine Jean-Luc Picard, Star Trek : Premier contact
Dans la société interplanétaire de Star Trek créée par Gene Roddenberry, l’argent – rendu obsolète par l’abondance apparemment infinie des ressources de cet univers – n’existait soi-disant pas. Or, dans la série originale (plus précisément dans l’épisode 15 de la saison 2, intitulé Tribulations), l’équipage de l’Enterprise rencontre le commerçant interstellaire Cyrano Jones, qui demande des « crédits » en échange d’un mignon petit Tribule. Ah, ah! Voilà qui montre encore qu’il était non seulement extrêmement difficile pour les auteurs de science-fiction d’inventer une méthode de paiement à la hauteur de leurs ambitions futuristes, mais aussi presque impossible de concevoir une société fonctionnant sans aucun moyen d’échange. Des formes d’argent font une apparition dans les différentes versions de Star Trek, comme les barres de latinum dans Star Trek: Deep Space Nine. Il y a aussi la scène où la Dre Crusher demande à un commerçant de lui facturer ses achats dans Star Trek : La Nouvelle Génération. On n’échappe pas à l’argent, semble-t-il.
L’argent, banni des utopies
L’absolue nécessité de l’argent contrariait déjà les futuristes avant l’âge d’or de la science-fiction. Comme dans Star Trek, le recours à une monnaie était presque tabou dans les sociétés utopistes.
« L’argent est cause de tous les maux » : ce proverbe du 15e siècle vient du verset biblique « La racine de tous les maux, en effet, c’est l’amour de l’argent […] » (1 Tm 6:10). Mais remarquez que si, à l’origine, on blâmait l’amour de l’argent pour les problèmes de la société, plus tard, c’est l’argent lui-même qu’on s’est mis à blâmer. Le proverbe a semblé inspirer la pensée de bien des utopistes des 18e et 19e siècles qui voulaient carrément éliminer l’argent. La question était : comment une société pourrait-elle fonctionner sans moyen d’échange? Les utopistes devaient faire preuve de beaucoup d’imagination.
Pour Robert Owen, un réformateur social du 19e siècle, la seule véritable utilité de l’argent était de montrer qu’une transaction avait eu lieu. Même s’il ne voulait pas de monnaie dans sa société idéale, il savait être réaliste. Il a donc fait valoir que l’argent n’avait pas besoin d’avoir une valeur intrinsèque. À son époque et pour une partie du 20e siècle, pour chaque billet de un dollar en papier, une quantité équivalente d’or devait être gardée dans une chambre forte. La vision de l’argent du futur proposée par M. Owen n’est pas sans rappeler notre système actuel, dans lequel la valeur de la monnaie est garantie par le gouvernement et non pas liée à l’or.
En gros, un simple morceau de carton pourrait servir de monnaie selon M. Owen. Toutefois, pour qu’une société fonctionne sans aucune monnaie, il faudrait en rebâtir les fondements mêmes.
Rebâtir les fondements de la société est justement ce qu’Edward Bellamy, autre utopiste du 19e siècle, se proposait de faire. Son rêve pour les États-Unis en l’an 2000 : un pays où la production et les capitaux sont entièrement nationalisés et où la richesse est distribuée à la population. Pour remplacer l’argent, il avait imaginé ce qu’il appelait une « carte de crédit », sur laquelle chacun recevrait sa part des gains annuels du pays. Ces cartes serviraient à se procurer des articles dans des commerces standardisés. Essentiellement, ce système réduisait l’argent à de simples entrées et sorties de fonds dans un grand livre. Ça ne vous fait pas penser à quelque chose? La cryptomonnaie, par exemple? Malheureusement pour M. Bellamy, il n’avait pas la technologie nécessaire pour concrétiser sa vision du nouveau millénaire : il ne pouvait pas s’imaginer l’avènement d’Internet.
Internet change la donne
Edward Bellamy n’était pas seul : il faudrait encore 60 ans avant que quelqu’un commence à conceptualiser le Web. Et avant les balbutiements d’Internet, personne ne pouvait s’imaginer la trajectoire future de l’argent. Cela dit, une fois les possibilités du réseautage informatique comprises, il n’en fallut pas plus pour inspirer les visionnaires, du moins les mordus d’économie. En 1965, alors qu’il était à la tête d’IBM, Thomas J. Watson Jr. a lancé son idée des transactions du futur :
Pour débiter ou créditer son compte, le client devra faire deux choses, soit insérer une pièce d’identité dans le terminal situé dans le magasin, le bureau ou la station d’essence, puis taper le montant de la transaction sur le clavier du terminal. Ce montant sera alors instantanément déplacé de son compte à celui du commerce ou vice-versa.
N’est-ce pas là la description exacte d’une transaction par carte de débit? Malgré tout, M. Watson ne pouvait alors imaginer qu’une fraction des vastes possibilités d’un réseau informatique mondial.
Quatre ans plus tard, la réalité commençait à dépasser la fiction. Le 29 octobre 1969, le premier ancêtre d’Internet voyait le jour : l’ARPANET (Advanced Research Projects Agency Network). À ce moment-là, les communications directes entre ordinateurs étaient déjà assez courantes. La différence, c’était que les concepteurs de ce nouveau réseau avaient inventé un procédé permettant de livrer l’information en petits paquets dans les temps morts entre les appels sur les réseaux téléphoniques. Composé de seulement quatre ordinateurs, l’ARPANET a montré qu’on pourrait un jour arriver à déplacer et à stocker de grandes quantités d’informations. Comme l’a alors fait remarquer J. C. R. Licklider, professeur au MIT et prophète d’Internet, il est fondamental de comprendre que c’est l’information en tant que telle qui est importante, et non le papier sur lequel elle est écrite.
Peu de temps après, cette idée s’étendrait aux billets de banque. Alors qu’on avançait de plus en plus vers Internet, on commençait à entrevoir la possibilité de créer une économie fonctionnant sans aucune monnaie, aucun chèque ni aucun jeton, et ce, sans faire tomber la société moderne. Quel dommage que cette vision du système bancaire interconnecté actuel et de l’argent électronique n’ait jamais inspiré les cinéastes!
Et la Banque dans tout ça?
La Banque du Canada ne fait pas dans la science-fiction. Cela dit, elle consacre beaucoup d’effort aux recherches sur l’avenir de l’argent dans le vrai monde. Elle surveille donc de très près toutes les évolutions dans la sphère des technologies financières, aussi appelées « fintech ». Les méthodes de paiement se multiplient comme des Tribules, mais bon nombre ne sont que des variations sur un même thème. Malgré tout, certaines retiennent l’attention, comme les cryptoactifs. Lisez cet article clair et simple sur la position et les préoccupations de la Banque quant aux méthodes de paiement de l’avenir. Pas de pistolets lasers, pas de voitures volantes. Promis.
Le Blogue du Musée
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Nous avons arrêté notre choix sur la compagnie qui fabriquera les composantes de notre exposition itinérante à venir, La gravure : un art à découvrir. Voilà qui est fort exaltant!
Nouvelles acquisitions
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Les derniers venus dans la Collection nationale de monnaies proviennent de contrées lointaines et datent de 1 500 à 2 500 ans.
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La pièce commémorative de cinq cents de 1951 a été émise pour célébrer le 200e anniversaire de la découverte du nickel comme élément naturel. Tout récemment, j’ai eu l’immense plaisir de participer aux festivités entourant l’anniversaire du Big Nickel et de donner un exposé sur le concours graphique organisé à l’époque en vue de la fabrication de la pièce de cinq cents de 1951.
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Inutile à ce stade de pinailler sur les détails. Nous convoitions certes une voiture luxueuse, mais savions bien qu’au final, nous allions hériter d’une très belle berline familiale.
Planifier une exposition : toute une aventure (cinquième partie)
Par : Graham Iddon
Le moment est venu pour le rédacteur de respirer un bon coup, car il doit maintenant parvenir à résumer en 65 mots 50 pages de recherches autour d’un thème comme « la représentation de 75 ans d’identité nationale sur les timbres et les billets de banque ».
La signature de la première sous-gouverneure
Par : Graham Iddon
Pendant une bonne partie de leur histoire, les billets de banque canadiens représentaient, en quelque sorte, des promesses : leur échange contre des espèces (pièces d’or et d’argent) à l’institution émettrice était garanti.