Une histoire de pêche qui transcende le temps
Même s’ils ne se connaissaient pas, le pêcheur Allen Chickite et le photographe George Hunter ont tous deux laissé leur marque sur le billet canadien de cinq dollars de 1972.
Le pêcheur
C’était en 1951. Sentant l’appel de la mer, Allen Chickite, surnommé Ollie, s’était engagé comme cuisinier sur le bateau de pêche de son oncle, le BCP 45. Le jeune homme de 14 ans était de la Nation We Wai Kai de l’île Quadra, l’une des dizaines d’îles occupant le détroit de Johnstone, entre la côte Nord-Ouest de l’île de Vancouver et la Colombie-Britannique continentale.
Ollie Chickite a travaillé sur le BCP 45 pendant 11 ans, apprenant le métier de pêcheur auprès de son cousin, le capitaine Mel Assu. Il est ensuite parti gagner sa vie sur d’autres navires, pêchant le long de la côte, de Vancouver jusqu’à la frontière de l’Alaska. Au cours des 40 années suivantes, il est retourné de temps à autre sur le BCP 45, qui tenait une place spéciale dans son cœur, pour finalement en devenir le capitaine. L’entreprise propriétaire du bateau, BC Packers ltée, lui a offert de lui vendre en 1983. Le prix? Un dollar symbolique. Il a travaillé sur le vieux chalutier en bois pendant encore 13 ans, avant de l’amarrer pour de bon et de prendre sa retraite.
Le photographe
Même si son nom ne dit pas grand-chose à la plupart des gens, George Hunter est l’un des photographes canadiens dont les œuvres ont été les plus publiées. Il est considéré comme l’un des plus grands chroniqueurs de l’histoire du Canada après la Seconde Guerre mondiale. De son adolescence jusque passé ses 80 ans, on pouvait le croiser aux quatre coins du pays, que ce soit dans des aciéries, aux confins de l’Arctique, dans les profondeurs de mines ou encore à bord – ou sous l’aile – d’un avion léger. Ses photographies ont illustré des centaines de magazines, de calendriers, de publications sectorielles et de manuels. Pendant toute sa carrière, et surtout pendant sa soi-disant retraite, George Hunter s’est fait le défenseur de la photographie comme moyen d’expression artistique au Canada. Il s’était aussi donné comme mission d’insuffler à toute la population un sentiment de fierté pour les paysages et la diversité de chez nous. Il disait qu’un pays qui ne mesure pas la valeur de son patrimoine n’est pas un pays.
En 1958, travaillant pour le compte du Weekly Star, un magazine publié le dimanche par le Toronto Star, le photographe s’est rendu à la pointe Ripple, en bordure du magnifique détroit de Johnstone. C’est là qu’il a photographié un senneur typique utilisé pour la pêche au saumon… le BCP 45. La photo a fait la page couverture. À l’époque, personne ne s’imaginait qu’elle deviendrait une image emblématique canadienne qui allait se retrouver pendant de nombreuses années dans le portefeuille de millions de personnes. On distingue deux silhouettes à l’arrière du bateau, dont celle d’Ollie Chickite, alors âgé de 21 ans (selon d’autres sources, il serait plutôt dans la barque).
Le billet de cinq dollars
Ce billet fait partie de la série Scènes du Canada, aussi appelée la « série multicolore », qui a été en circulation à la fin des années 1960 et dans les années 1970. Les vignettes au verso montraient grosso modo des paysages présentant un élément d’activité humaine.
Certains métiers traditionnels du pays, comme la pêche, la chasse, la navigation et la drave, y ont été à l’honneur. La photo prise par George Hunter était parfaite pour illustrer le billet de cinq dollars de la série, réunissant un paysage à couper le souffle et une activité typique. Les nombreux détails qu’elle comporte en faisaient une image idéale pour produire une gravure difficile à imiter. Comme le ciel et l’eau occupent un espace généreux, le maître-graveur George Gundersen a pu facilement cadrer la photo selon les dimensions de la vignette. C’est C. Gordon Yorke qui a mis la touche finale à la gravure en rehaussant le contraste des flots et des montagnes. Autrement, la gravure est presque identique au cliché original.
Le bateau
La pêche à la senne consiste à capturer un banc de poissons dans un très long filet qu’on appelle une « senne ». Cette méthode ancestrale se pratique depuis une plage ou une barque. Un senneur est un navire à moteur conçu pour faire le même travail, mais à bien plus grande échelle.
C’est en 1927 que le chantier naval Burrard de Vancouver a vendu à BC Packers ltée un senneur en bois de 53 pieds (16 mètres) doté d’un moteur de 50 chevaux-vapeur. La mise à l’eau des sennes se faisait depuis le pont. Le bateau pouvait loger un équipage de six matelots et 30 000 livres (13 000 kilos) de poisson. Sans originalité ni sentimentalité apparentes, l’entreprise l’a baptisé le BCP 45.
Le bateau de pêche a navigué dans les eaux de la côte Est de l’île de Vancouver pendant 68 ans. Tout un parcours! Quand Ollie Chickite en a fait l’achat au début des années 1980, c’était le dernier senneur en bois classique encore en service sur la côte; il avait donc une grande valeur historique. M. Chickite l’a présenté à l’Expo 86 de Vancouver, où des centaines de visiteurs sont montés à bord et ont échangé quelques mots avec le fier capitaine. Le magazine Maclean’s a accordé au bateau la sixième place de son classement des 185 expositions de la grande foire.
Quand Ollie Chickite a retiré le BCP 45 du service, il en a fait don au Musée maritime de Vancouver. À l’époque, l’établissement n’avait pas les ressources nécessaires pour restaurer le vieux rafiot, qui est resté amarré à False Creek, à Vancouver, se détériorant à petit feu. En 2002, Ollie Chickite à la barre, le BCP 45 est rentré dans les eaux où il naviguait jadis pour être accueilli au nouveau Maritime Heritage Centre de Campbell River. Là, le senneur a été restauré par une équipe de bénévoles passionnés et talentueux qui l’ont pratiquement rebâti. Il est aujourd’hui en parfaite condition, ayant été remis à neuf conformément aux spécifications de 1958. En 2005, il a été nommé « Lieu historique national du Canada »; c’est l’attrait principal du Maritime Heritage Centre.
Entre autres parce qu’il tient la vedette sur un billet de banque canadien, certains disent que le BCP 45 est le Bluenose de la côte Ouest. Comme la goélette de réputation mondiale, il est le symbole d’une industrie et d’un mode de vie. Si on le préserve avec autant de soin aujourd’hui, on se doute que c’est en partie parce qu’il a été immortalisé sur ce magnifique billet aux tons de bleu.
Le Blogue du Musée
À la mémoire d’Alex Colville (1920-2013)
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Le personnel du Musée de la monnaie a été attristé d’apprendre le décès de l’artiste Alex Colville, le 16 juillet à son domicile de Wolfville, en Nouvelle-Écosse, à l’âge de 92 ans. M. Colville est l’un des peintres les plus célèbres au Canada, mais ses sculptures, elles, sont moins connues.
Au revoir, cher Musée!
Par : Graham Iddon
Les origines du Musée de la monnaie remontent à 1959, année où le gouverneur James Coyne a proposé d’instaurer une collection de monnaies reflétant l’histoire colorée des moyens de paiement au Canada. C’est en 1963 que le feu vert a été donné par le successeur de M. Coyne, Louis Rasminsky. Entre-temps, on avait élargi le mandat de la collection pour y inclure l’histoire mondiale de la monnaie, des artéfacts liés à sa fabrication ainsi qu’au domaine bancaire, de même qu’une bibliothèque consacrée à la numismatique.